Note d'intention
En 1870, grâce au décret Crémieux, environ 35.000 juifs d’Algérie acquirent automatiquement la naturalisation française.
70 ans plus tard, le 7 octobre 1940, le décret fut abrogé…
Les juifs perdirent leur statut et redevinrent des indigènes. On les exclut des écoles, on les chassa des universités, on radia les fonctionnaires.
Eux qui avaient été si fiers de passer en un jour du statut de sous-colonisés auxquels il n’était pas permis de posséder la terre, à celui de français comme les autres, qui avaient mis tant de cœur à se faire oublier en tant que juifs, à se fondre dans la culture française pour devenir des hommes à part entière, voilà qu’on leur rappelait à travers l’abrogation de ce décret leurs origines misérables, et voilà que les braises de l’antisémitisme, qui avaient trouvé au début du XXème siècle en Algérie une terre d’élection, s’enflammaient de nouveau avec une effroyable virulence.
L’abrogation du Décret Crémieux constitua un drame terrible pour les juifs d’Algérie. Et personne n’en a jamais parlé, ni à la télévision, ni au cinéma !
Etre français ! Ne plus être français !
Non, mais c’est vrai… C’est quoi être français ?
Pour raconter mon histoire et répondre à la question, j’ai choisi Oran.
En 1940, trois communautés s’y côtoient au travers de trois quartiers : le quartier du port peuplé d’espagnols, majoritairement chrétien, le « village nègre » à la lisière de la ville, où vivent les arabes, et le quartier juif, proche du centre.
Ces trois communautés se croisent, mais ne se rencontrent pas. Chaque quartier est étanche. Chaque groupe vit au pire dans le mépris, au mieux dans l’ignorance des deux autres.
La perte de la citoyenneté française.
Ce pourrait être un débat abstrait, notre histoire se propose de l’incarner à travers les destins croisés de trois jeunes hommes d’une vingtaine d’années.
Trois garçons qui n’auraient jamais dû se rencontrer s’ils ne partageaient la même passion du football. Le premier est juif, Benjamin, le deuxième est musulman, Kateb, et le troisième est chrétien, d’origine espagnole, Antoine.
Benjamin et Antoine sont français. Kateb ne l’est pas. Antoine l’a été par la colonisation de 1830, Benjamin par le décret Crémieux. Ces trois-là sont les meilleurs amis du monde. Se retrouvent au foot ou à la plage. Jamais chez eux.
Je raconte l’histoire de trois jeunes hommes insouciants et plein de projets jusqu’aux premiers temps de la guerre, ignorants des choses de l’identité française jusqu’au jour où Vichy abroge le décret Crémieux.
Et voilà que Benjamin perd ce que n’a jamais réussi à obtenir Kateb : la nationalité française ! Et voilà qu’Antoine s’en fiche, pour lui être français n’a jamais posé de problème ! Et voilà que Kateb rappelle à Benjamin qu’il a bien tort de se sentir blessé, à quoi bon être français ? Et voilà qu’une question apparemment abstraite prend dans l’histoire de ces trois-là une résonance terriblement concrète.
Aura-t-elle raison de leur amitié ?